Hier je suis morte et mes rêves déjà ensemencent la terre. Des regards, des corps. Des musiques, des décors. Tout cet amas de moi refleurira. Mon état d'âme en cette heure est bien au-delà. Mon visage est sans bouche. Ma bouche sans visage. Je n'en aurais d'ailleurs aucun besoin au cours de mon voyage. Cependant il m'est encore donné de voir et d'entendre. La chose me semble étrange. Je pensais… Je dis, je pensais qu'à l'instant du départ, le silence se faisait et que le néant régnait. Il m'est donné de constater l'erreur qui fut la mienne. J'aurais vécu dans le brouillard toute mon existence humaine. Mais puisqu'en ce jour, j'ai droit à la clarté, il me faut témoigner.
Chers amis et aimés qui déjà me pleurez, soyez sans crainte sur le sort qui nous est réservé après. La lumière s'apparente à celle d'une matinée de juin, auréolée de la douce félicitée des premiers bains. Je nage dans les nues. Je vais bien. Je vogue vers cet inconnu qu'il me semble avoir pourtant déjà plusieurs fois parcouru. Se peut-il que nous ayons autrefois franchi ce territoire-là, à maintes reprises déjà et que nous ne nous en souvenions pas ? L'homme serait donc condamné à une éternelle amnésie. Incapable de se souvenir. Marchandant son esprit par peur de l'avenir ?
Il y a longtemps que je m'étais préparée. Je suis morte tant de fois dans cette vie, par calomnie, hypocrisie, jalousie ou pure méchanceté. Les injures me mirent à terre. L'injustice me mis K.O. Il me suffisait d'être sincère pour me retrouver en présence de mon nouveau bourreau. Tenez, une bonne nouvelle: il est fort probable que l'opprimé soit plus fort que celui qui domine, car le maltraité a appris à esquiver et à encaisser. Il sait se relever et garder bonne mine. Aucune bataille n'est impossible pour lui. En son centre, croissent des forêts de résistance, d'infranchissables contrées dont lui seul connaît l'accès. Il fut l'éclaireur des plus sombres situations de sa vie et toujours, en héros anonyme, s'en est sorti.
Je croyais que la mort allait être un autre de ces combats. Ma confusion était grande. Je quitte le royaume des hommes, il n'y a donc plus ni victime ni tyran. Il y a l'infini devant et la beauté immuable du firmament. Il y a l'immensité de mon âme qui s'étend, qui vous entoure tendrement, vous embrasse et vous comprend. Il y a la lumière, partout, passionnément.
Suzanne Z.
( Extrait de " Testament " )
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